Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/182

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personnelle », qui n’est autre que la disposition de nous-mêmes ; 2° la « propriété mobilière », qui porte sur les objets « produits ou acquis par nos recherches et nos travaux » ; 3° enfin la « propriété foncière », qui naît de ces travaux et des dépenses que nous faisons sur les terres, de telle manière que, « ces dépenses une fois faites, on ne peut plus enlever aux terres défrichées les richesses qu’on a consommées en les employant à ces opérations[1] ». La théorie de la propriété foncière fondée sur nos travaux et nos dépenses incorporés au sol tranche très nettement avec la théorie traditionnelle des jurisconsultes, qui, parlant avec raison de l’occupation, condition nécessaire du travail, n’avaient jamais attaché leur pensée à ce travail qui la suit[2]. Quant au respect du droit concret des autres, il naît du sentiment de notre droit abstrait de propriété sur nous-mêmes et sur les richesses mobilières ou foncières que

    ne produisît presque rien d’elle-même : mais il a permis qu’elle renfermât dans son sein un principe de fécondité, qui n’attend que nos secours pour la couvrir de productions » (Op. cit., p. 618). Il nous est donc impossible de comprendre que M. Charles Périn, de Louvain, ait pu reprocher aux physiocrates d’avoir fondé la propriété sur la liberté (Ch. Périn, les Doctrines économiques depuis un siècle, 1880).

  1. « Ainsi de même que la propriété personnelle devient une propriété mobilière par rapport aux effets mobiliers que nous acquérons par nos recherches et nos travaux, de même aussi elle doit nécessairement devenir une propriété foncière par rapport aux terres dans le défrichement desquelles nous avons employé les richesses mobilières que nous possédions. On voit ici que la propriété foncière n’est point une institution factice et arbitraire ; qu’elle n’est que le développement de la propriété personnelle, le dernier degré d’extension dont celle-ci soit susceptible ; on voit qu’il n’existe qu’un seul et unique droit de propriété, celui de la propriété personnelle, mais qui change de nom selon la nature des objets auxquels on en fait l’application » (Op. cit., p. 617).
  2. À rapprocher de ce passage de l’Encyclique Rerum novarum de Léon XIII (15 mai 1891), qui a transcrit Mercier de la Rivière sans en avoir le soupçon : «Il est permis de s’étonner comment certains tenants d’opinions surannées peuvent encore y contredire, en accordant sans doute à l’homme privé l’usage du sol, mais en lui refusant le droit de posséder à titre de propriétaire ce sol où il a bâti, cette portion de terre qu’il a cultivée. Ils ne voient donc pas par là qu’ils dépouillent cet homme du fruit de son labeur : car enfin ce champ remué avec art par la main du cultivateur a changé complètement de nature ; d’infécond il est devenu fertile ; ce qui l’a rendu meilleur est inhérent au sol et se confond tellement avec lui qu’il sérail en grande partie impossible de l’en séparer. »