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consommation, mais qui aussi, en atteignant la terre, avait voulu l’atteindre dans son revenu brut et proportionnellement à lui[1]. Or, si défectueux que soit le procédé des physiocrates, il est cependant sur ce point là moins injuste que celui de Vauban. Quesnay estimait le produit net agricole de la France à 3 milliards et croyait qu’on aurait pu en prendre les 2/7 à titre d’impôt : l’impôt foncier aurait donné ainsi 850 millions par an, soit 28 %, charge qui aurait été évidemment ruineuse pour l’agriculture. Mais le « salaire des hommes » aurait été expressément affranchi, ainsi que toute la classe stérile et toute celle des fermiers des biens-fonds[2].

La Constituante fit d’assez larges emprunts à cette partie de la théorie physiocratique ; elle y a pris entre autres la définition du revenu net dont elle a fait l’article 2 de la loi du 1er décembre 1790 et le point de départ de l’impôt foncier réel et proportionnel[3].

Par une conséquence assez inattendue, la théorie de la productivité exclusive et unique de l’agriculture fournissait un argument contre le système mercantile. En effet, la crainte de la sortie du numéraire ne doit pas empêcher la circulation des marchandises — pas plus à l’entrée

  1. Supra, p. 135.
  2. « Que… l’impôt soit établi immédiatement sur le produit net des biens-fonds, et non sur le salaire des hommes, ni sur les denrées, où il multiplierait les frais de perception, préjudicierait au commerce et détruirait annuellement une partie des richesses de la nation. Qu’il ne se prenne pas non plus sur les richesses des fermiers des biens-fonds : car les avances de l’agriculture d’un royaume doivent être envisagées comme un immeuble qu’il faut conserver précieusement pour la production de l’impôt, du revenu et de la subsistance de toutes les classes de citoyens » (Maximes générales du gouvernement économique, Ve maxime). — Le raisonnement est un peu puéril : car la mise de l’impôt à la charge du fermier ou du propriétaire peut-elle pratiquement aboutir à autre chose qu’à une diminution ou à une augmentation nominale du fermage ? Ce seul trait suffirait à montrer ce qu’il y a de superficiel dans certaines analyses économiques de Quesnay.
  3. « Le revenu net est ce qui reste au propriétaire, déduction faite, sur le produit brut, des frais de culture, semences, récoltes et entretien. — Le revenu imposable est le revenu net moyen, calculé sur un nombre d’années déterminé » (Loi du 1er décembre 1790, art. 2 et 3).