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douté[1], puis de faire au besoin triompher par la force ces lois naturelles qui apportaient le bonheur au genre humain et auxquelles des insensés se seraient cependant obstinés à ne se point soumettre. Toute la Révolution n’est-elle point là, avec le caractère tyrannique de ses prescriptions ? Jamais philosophe, ni sophiste — Proudhon excepté — ne poussa plus loin l’orgueil de ses découvertes. Et pourtant, au point de vue de l’économie politique pure, que reste-t-il aujourd’hui, que restait-il même à la fin du XVIIIe siècle, de ces formules sur la production ou la répartition, que les physiocrates avaient données comme d’immuables principes devant lesquels les siècles futurs devaient s’incliner jusqu’à la fin des âges ? On a même exagéré la réaction : car il restera toujours aux physiocrates, non seulement la gloire d’avoir déterminé l’éveil de l’esprit économique à la veille du jour où les découvertes de la science allaient éveiller l’industrie, mais encore la gloire d’avoir semé bien des définitions auxquelles il n’a guère été changé et bien des observations fort judicieuses qui n’ont aucunement vieilli.


IV

QUESNAY ET LES ÉCONOMISTES

Quelques rapides notices sur les principaux personnages de cette école vont suffire maintenant.

Quesnay doit venir le premier. Né en 1694, à Méré, près de Montfort-l’Amaury, et fils d’un avocat au Parlement de Paris, Quesnay se dirigea vers la médecine et lui consacra, non sans succès, la plus grande partie de sa carrière. Après diverses publications médicales qui l’avaient mis en relief, il fut nommé premier médecin ordinaire du roi ou

  1. « La première loi positive, disait Quesnay, la foi fondamentale de toutes les autres lois positives, est l’institution de l’instruction publique et privée des lois de l’ordre naturel » (Droit naturel, ch. v).