Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/35

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Dans le mutuum, qui était un contrat re et même un contrat muni d’une action stricti juris (par opposition aux actions bonœ fidei), l’obligation de rendre naissait du fait d’avoir reçu : donc l’emprunteur, puisqu’il n’avait reçu que le capital, ne pouvait pas être tenu de rendre des intérêts en sus de ce capital. Pour qu’il fût tenu à des intérêts, il aurait fallu qu’il eût donné une cause à cette obligation de les payer. Du reste, pour poser la cause de cette dette accessoire d’intérêts, il avait un procédé tout indiqué : c’était la stipulation. Par ce procédé, en effet, l’emprunteur (qui aurait fait ainsi une sponsio) serait obligé re à rendre le capital et obligé verbis à payer les intérêts. De cette façon, le formalisme quiritaire était pleinement respecté, sans cependant qu’aucune entrave fût apportée, au moins de ce seul chef, soit à la perception des intérêts, soit même à la pratique de l’usure[1]. De même que le mutuum, le commodat ou prêt d’usage était essentiellement gratuit : mais la difficulté, qui était ici la même que pour le mutuum (bien que le commodat fût de bonne foi), était tournée, quand il s’agissait du commodat, par la substitution d’un contrat tout différent formé consensu — je veux dire la locatio conductio — au lieu d’être tournée, comme elle l’était avec le mutuum, par l’adjonction d’un contrat verbis.

  1. On ne peut invoquer, ce nous semble, ni dans un sens ni dans l’autre les deux constitutions déjà citées d’Alexandre Sévère et de Philippe (C, IV, xxxii, De usuris, II, 12 et 23), permettant d’exiger en vertu d’un simple mutuum des intérêts pour des prêts de blé et d’orge, mais non pour des prêts d’argent, quoique avec pacte joint. Ces constitutions se bornent à mesurer l’obligation re d’après la valeur de la res plutôt que d’après sa quantité : c’est évidemment une interprétation favorable, mais si l’incerti pretii ratio la permet pour le mutuum de denrées tandis que la constans ac perpetua æstimatio l’interdit pour le mutuum d’espèces, nous ne sortons nullement pour tout cela du domaine du droit positif. — Il n’y a rien à conclure non plus d’un texte de Pomponius : « Usura pecunia ; quam percipimus, in fructu non est, quia non ex ipso corpore, sed ex alia causa est, id est nova obligatione » (D, L, xvi, De verborum significatione, 1. 121). Outre que ce passage est isolé de tout contexte, il s’applique tout à fait à notre explication tirée de la nécessité d’un fait — res ou verba — générateur d’obligation civile.