Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/350

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sent conduire un cultivateur à faire les plus grands profits. C’est à cette question qu’il répond dans son livre fameux de l’État isolé[1], paru, pour la première partie au moins, en 1826.

Thünen suppose d’abord une vaste plaine, uniforme et identique à elle-même en toutes ses parties, et ne possédant ni canaux, ni rivières navigables qui puissent en différencier les diverses régions par des facilités inégales de communication. Au milieu est une grande ville, et il n’y en a pas d’autre dans tout le pays : le pays lui-même, isolé par définition, n’entretient aucun rapport avec le reste du monde. Cette supposition bizarre ne se fût jamais présentée à l’esprit d’un Anglais : mais elle est moins absurde dans le cerveau d’un Poméranien, qui ne conçoit rien autre que la plaine uniforme qui va de Magdebourg à Kœnigsberg et des monts Karpates jusqu’à la Baltique. Toutefois, ce qui est plus étonnant, c’est qu’une hypothèse aussi chimérique ait amené d’intéressantes déductions.

Dans cet État imaginaire, c’est la ville qui doit fournir tous les produits manufacturés ; ce sont les campagnes qui doivent donner, sans aucun appoint de l’étranger, toutes les denrées alimentaires. Tout autour de la ville se dessinent des zones concentriques affectées à des produits spéciaux.

La première zone est réservée à ceux dont la conservation est impossible, comme le lait et les légumes frais, et à ceux qui, étant encombrants comme les fourrages, se prêtent mal aux transports ; la deuxième est la zone de la culture forestière, parce que le bois, plus facile à conserver

  1. Der isolirte Staat, in Beziehung auf Landwirthschaft und Nationalœkonomie. — La première partie (Untersuchungen über den Einfluss, den die Getreidepreise, der Reichthum des Bodens und die Abgaben auf den Ackerbau ausüben) a été traduite en français en 1851 sous ce titre : Recherches sur l’influence que le prix des grains, la richesse du sol et les impôts exercent sur les systèmes de culture. La seconde partie (Der naturgemæsse Arbeitslohn und dessen Verhæltniss zum Zinsfuss und zur Landrente) n’a été traduite qu’à moitié, sous le titre Le salaire naturel et son rapport au taux de l’intérêt (1857).