Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/375

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Smith ; et l’ignorance seule ou la mauvaise foi permet de confondre les premiers économistes et leurs successeurs moins immédiats sous le nom unique de manchestériens comme le font bien souvent des polémistes.

Le libre-échange venait de trouver en France un avocat éloquent et passionné dans la personne de Bastiat. Frédéric Bastiat, né en 1801, à Mugron dans les Landes, ne connut que sur le tard sa vocation et son talent. Il essaya d’abord du commerce, exploita ses propriétés, puis se fit nommer juge de paix dans son petit pays. Ce fut en 1844 seulement qu’il débuta dans l’économie politique, par des articles que le Journal des Économistes publia et qui furent immédiatement remarqués. Sa voie était trouvée : il donna la même année son premier volume, intitulé Cobden et la Ligue. Il passa les dernières années du règne de Louis-Philippe à combattre le protectionnisme et le mercantilisme dans une foule de brochures et de pamphlets pétillants de verve et d’esprit, parmi lesquels on citera toujours la Pétition des fabricants de chandelles comme un chef-d’œuvre de mordante ironie[1]. Bastiat est plus franchement que tout autre le représentant de la thèse du droit naturel d’échange avec tout le monde : et il n’est pas loin d’assimiler à un vol la perception d’un droit de douane quel qu’il soit.

Mais la Révolution de 1848 donne une autre direction à ses efforts. Libéral dans le sens le plus large du mot, Bastiat tourne alors ses armes contre le socialisme menaçant. Il est nommé député à la Constituante en 1848, puis à la Législative en 1849, et va mourir à Rome d’une maladie de langueur, en 1850, en laissant le souvenir d’une fin profondément chrétienne. Par malheur il n’avait pu achever ses Harmonies économiques, qui devaient être

    international, tr. fr., p. 180). — Bastable est d’ailleurs contre la thèse du droit naturel du libre-échange : il n’y voit qu’un mauvais argument en faveur d’une bonne cause (Op. cit., p. 178).

  1. Voir Œuvres complètes, édit. Guillaumin, 1854, t. IV, p. 57.