Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/390

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vant la vieille confusion que lui-même n’a pas répudiée)[1] ; et nous trouvons qu’ici la discussion est assez faiblement conduite et qu’elle reste fort peu démonstrative.

Mais venons au malthusianisme.

Ce n’est pas en théorie seulement, c’est en pratique que Stuart Mill est un malthusien et un néo-malthusien. Il lui semble essentiel de restreindre la natalité et d’agir en ce sens tout à la fois par les mœurs et par les lois. Rien ne soustrait les peuples à cette inéluctable nécessité : ils n’y peuvent échapper ni par l’égalité de la propriété[2], ni par la liberté du commerce des subsistances[3], ni par les encouragements et les facilités donnés à l’émigration[4].

Bien plus, un des motifs de la haine de Mill contre l’Église, le catholicisme et le clergé, c’est de voir que « la religion n’a pas encore cessé ses encouragements » à la fécondité des unions et que « le clergé catholique estime partout que son devoir est de conseiller le mariage pour prévenir la fornication[5] ». Mill en vient jusqu’à s’insurger contre les lois fondamentales de la société domestique, en déclarant que, « entre tous les usages barbares que la loi et la morale n’ont pas encore cessé de sanctionner, il n’en est point de plus dégoûtant que celui qui permet à un être humain de penser qu’il a des droits sur la personne d’un autre[6] ». Est-ce là un vœu en faveur de l’union libre, vœu arraché à Stuart Mill par la pénible pensée de la réserve que lui imposaient, à Mme Taylor et à lui-même, la présence et la trop longue vie d’un époux cependant bien complaisant ?

Pour la réforme en ce point, Mill compte sur la puis-

  1. L. II, ch. xvi.
  2. L. I, ch. xiii, § 2.
  3. L. I, ch. xiii, § 3.
  4. Ibid., § 4.
  5. L. II, ch. xiii, t. I, p. 432. — C’est l’application du texte de saint Paul (1re Epître aux Corinthiens, ch. vii, vv. 2 et 9) ; mais ces passages ne doivent pas être détachés des versets 1, 7 et 8 qui les accompagnent. — Comparez avec Sismondi, cité plus haut, p. 355.
  6. L. II, ch. xiii, t. I, p. 437.