Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/401

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groups (ou groupes non concurrents), avec cette remarque fort juste, que travailleurs et capitalistes peuvent gagner plus ou moins en retour d’efforts égaux ou d’emplois égaux de capital, s’il n’y a pas, en effet, un libre déplacement de capitaux et de bras. Ce phénomène des groupes non concurrents sert à expliquer : 1° les inégalités de salaires entre professions, parce que les professionnels d’un métier forment un groupe dans lequel il existe bien une concurrence intérieure, mais qui ne peut subir une concurrence extérieure, ni en faire une ; 2° les inégalités de la concurrence internationale, où les écarts de prix sont souvent beaucoup plus élevés que les simples frais de transport ne le comporteraient[1].

Personne, enfin, n’a poussé plus loin que Cairnes la notion de l’économie, politique considérée comme une science de pure théorie. Pour lui, l’économie politique est une science comme l’astronomie et la chimie. Son objet, comme celui de toutes les sciences naturelles, n’est pas de faire atteindre un résultat pratique, mais seulement de révéler des lois naturelles et de montrer un enchaînement de causes et d’effets entre des phénomènes. Elle se tient donc en dehors de tout système particulier sur l’état social et sur l’industrie : quels qu’ils soient, elle est neutre entre eux tous. Elle nous fournit des données pour que nous nous formions une opinion saine ; mais ces données sont d’autant plus loin de déterminer nos jugements, qu’il y a moins de problèmes pratiques dans lesquels le côté économique soit exclusif et ne soit pas mélangé aux côtés politiques, artistiques et moraux. L’économie politique n’a donc pas plus à voir avec le régime du laissez-faire qu’avec le communisme. Aussi est-ce se méprendre complètement que de s’associer à ces réformateurs sociaux qui se croient appelés à dénoncer et à ridiculiser l’économie

  1. Voir la discussion sur les non-competing groups dans Ingram, op. cit., pp. 226 et s. — Étudiez le chapitre suivant, surtout pp. 400 et 401.