Raymond et List l’avaient envisagée ; et il y aurait là une addition à faire à la théorie de ces deux économistes, plutôt qu’un démenti infligé à leur doctrine.
C’est de tout cet ensemble que résultait une économie politique « nationale », selon le titre adopté par List.
Le but de celle-ci est d’apprendre aux gouvernements comment légiférer, et non pas aux particuliers comment s’enrichir — idée qui, elle aussi, est simplement répétée de Raymond[1]. — Ce serait donc l’économie politique descendue du rang de science et ramenée au niveau d’un art politique, si des principes généraux et d’ordre scientifique ne préludaient pas au développement pratique de cet art.
Un des moyens d’accroître la puissance productive d’une nation, ce sera bien sans doute la protection douanière : mais celle-ci n’est point une panacée à laquelle il faille recourir sans discernement et dans tous les cas. Il faut distinguer les périodes de l’histoire économique d’un peuple. Une société traverse d’abord l’état sauvage ; elle s’élève graduellement au régime pastoral, puis à la vie agricole ; bientôt l’agriculture se marie chez elle avec l’industrie ; le commerce enfin se superpose à l’industrie et à l’agriculture[2].
Le passage au régime agricole et les premiers progrès
- ↑ Raymond, Pensées sur l’économie politique, passim. « L’économie politique, dit-il, est une science qui enseigne la nature de la richesse publique ou nationale… Elle se propose d’enseigner les moyens les plus efficaces de développer la richesse et le bonheur d’une nation, et elle embrasse tous les sujets qui tendent à ce développement… Son objet immédiat serait d’apprendre aux gouvernements à légiférer, non d’apprendre aux particuliers la manière de s’enrichir… S’il n’y a pas de distinction entre richesse nationale et richesse individuelle…, un traité sur la richesse nationale sera un traité sur la richesse individuelle, et réciproquement. C’est dégrader la dignité de la science de l’économie politique ; c’est la faire dégénérer en une misérable science de francs et de centimes (dollars and cents). »
- ↑ « In Beziehung auf die nationalœkonomische Ausbildung sind folgende Hauptentwickelungsgrade der Nationen anzunehmen : 1° wilder Zustand ; 2° Hirtenstand ; 3° Agrikulturstand ; 4° Agrikulturmanufakturstand ; 5° Agrikulturmanufakturhandelsstand » (National System der politischen Œkonomie, introduction, p. 11).