nent l’objet de quelque consommation subjective. On pourrait encore, pour aboutir à la même conclusion, faire valoir la loi de substitution, en vertu de laquelle les satisfactions les plus hétérogènes et les plus disparates, par exemple un piano et un voyage, se substituent les unes aux autres, lorsque soit un obstacle de prix, soit une résistance quelconque, rencontrée d’un côté, nous amène à nous reporter d’un autre[1].
Là cependant ne nous semble être ni la première, ni la principale raison de l’insuccès des mathématiques appliquées à l’économie politique. On sait fort bien que les actes même les plus libres au point de vue de la responsabilité individuelle n’échappent nullement à la rigueur des prévisions numériques. Dans un grand peuple, en effet, comme nous l’avons déjà dit, il y a moins de différence, d’une année à l’autre, entre le nombre des crimes, quoique ceux-ci soient inspirés par les passions, qu’il n’y en a entre le nombre des décès, quoique ces derniers — hors les suicides — ne dépendent pas de la volonté et du libre arbitre.
Quant à la complexité des motifs de volonté et d’action, elle serait certainement une difficulté pratique à vaincre pour la pose des équations et des systèmes d’équations ; mais elle n’engendrerait pas le moins du monde une impossibilité théorique.
La raison de l’impuissance des recherches mathématiques nous paraît être bien davantage l’absence de toute quantité économique rigoureusement mesurable. Le concept essentiel de l’économie politique est celui de valeur, et valeur suppose évaluation. Or, l’évaluation est un jugement de l’esprit ; et les mathématiques, qui exigent de toute nécessité des quantités mesurables, comme des nombres, des longueurs ou des forces, ne trouvent nulle part ni mètre, ni étalon, pour toiser les jugements. « Des unités
- ↑ Voyez Paul Leroy-Beaulieu, Traité théorique et pratique d’économie politique, 2e édition, t. I, pp. 87, 662 et s.