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Quelle peut-être l’explication de ce phénomène général, qui a fait dire à M. Paul Leroy-Beaulieu que « la décroissance de la natalité est une loi de la civilisation » ? Et surtout quelle est la part qui doit y être faite à l’action libre d’une volonté moralement responsable ?

Comme causes d’ordre physiologique, on conçoit :

1° Un affaiblissement de l’instinct de reproduction : mais les progrès de la débauche et la multiplication des crimes dits passionnels ne permettent pas que l’on s’arrête à cette conjecture ;

2° L’infécondité involontaire et naturelle, qui apparaît plus soutenable. Nous venons cependant de nous en expliquer en ce qui concerne les lois de Spencer et de Doubleday, qui, capables — la seconde au moins — d’influer sur le renouvellement des aristocraties, sont cependant insuffisantes pour expliquer le déclin général de la natalité dans la masse d’une nation. M. Paul Leroy-Beaulieu également, tout en admettant « une part de vérité » dans la loi de Spencer, ne lui attribue, pas une portée pratique aussi vaste qu’il faudrait le supposer ici[1].

Ces deux explications une fois écartées, il s’agit de savoir si, les faits ont vraiment renversé la thèse économique de Malthus. Il nous effrayait avec le danger d’un repeuplement contre lequel des moyens répressifs ou préventifs étaient nécessaires : et c’est au contraire à très juste titre que nous nous effrayons maintenant du danger d’une dépopulation. Y a-t-il là un démenti que l’histoire ait donné à Malthus ?

Eh bien, nous ne le pensons pas : car celui-ci raisonnait dans l’hypothèse d’une société qui obéirait à la loi de la moralité conjugale, tandis que notre société contemporaine,

  1. « On ne peut pas contester qu’il y ait une part de vérité dans la thèse dogmatique et philosophique que soutient Herbert Spencer, à savoir qu’il y a une opposition générale entre le phénomène de la procréation et celui qu’il appelle l’individuation, c’est-à-dire le développement poussé au plus haut degré des facultés intellectuelles » (Traité théorique et pratique d’économie politique, t. IV, p. 543).