Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/565

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du travail servile ; je demande comment on pourrait expliquer le progrès ou la décadence des peuples par la supériorité ou l’infériorité de leurs institutions économiques et sociales au regard de celles des autres peuples. Ainsi l’école historique aboutirait à nous fermer l’intelligence de l’histoire. Ce n’est pas assez ; et si l’absolu n’existe pas, je demande comment même on pourrait apprécier, d’une manière absolue les conséquences économiques ou politiques du divorcé, de la débauche et de la promiscuité : car s’ils sont actuellement funestes à la société, qui donc, à moins de croire à un absolu quelconque, voudrait soutenir ou pourrait démontrer qu’ils dussent l’être toujours ?

Vu sous cet aspect, il est hors de doute que l’historisme recèle en lui mille fois plus d’immoralités que les « historiques » n’en ont jamais trouvé à reprocher au classicisme des disciples d’Adam Smith. Nous n’ignorons point cependant que des catholiques se sont insurgés contre la pensée que des lois économiques puissent exister ; quant à nous, nous restons plus que jamais convaincu qu’ils n’avaient pas réfléchi à ce manque d’ordre et de beauté qu’ils voulaient introduire dans un des innombrables royaumes de la Providence.


II

LA QUESTION DES LOIS ÉCONOMIQUES

Mais si certains écrivains catholiques, comme nous venons de le voir, ont contesté et nié l’existence des lois économiques, ce n’est point assurément à la théorie de l’évolution qu’il faut rattacher ces controverses.

Les arguments dont elles s’inspiraient étaient d’un ordre tout opposé. Nous les ramenons nettement à trois : 1° la supériorité de la morale sur l’économie politique et, par conséquent, la subordination des lois économiques aux