Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/588

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n’attend plus que le vote du Sénat, puis de l’argent, pour entrer en exécution.

Nous avons en tout cas des expressions fort nombreuses de socialisme d’État, soit dans l’organisation obligatoire de l’assistance des malades, coïncidant avec les mille entraves apportées à l’exercice de la charité et aux fondations hospitalières ; soit dans la « municipalisation » ou « l’étatisation » de nombreux services publics qui pourraient être laissés avantageusement à l’industrie particulière ; soit enfin dans la jalousie avec laquelle l’État revendique le rôle d’éducateur de la jeunesse, ; sans laisser une suffisante liberté aux familles et aux communes. Nous avons signalé ailleurs comment l’accroissement fatal et automatique des budgets et par conséquent des impôts est tout à la fois une cause et un effet des progrès du socialisme d’État[1].

Quel qu’il soit, il n’a pas d’adversaire plus clairvoyant et plus irréconciliable que l’économie politique libérale. Elle a pu être accusée parfois de reculer trop loin les limites de la liberté et d’admettre trop tard l’intervention de l’État : on ne saurait en tout cas l’accuser d’avoir trop tôt fait appel à son action et à sa force. C’était le sentiment universel des économistes que M. Baudrillart traduisait, quand il écrivait que « le vœu des esprits les plus éclairés et les plus libéraux est de réduire l’action de l’État, et que l’économie politique ne cesse pas de recommander de substituer aux tutelles et aux gênes administratives le libre essor du travail[2] ».

  1. Voyez nos Éléments d’économie politique, 2e édition, pp. 96-97.
  2. Baudrillart, Manuel d’économie politique, 5e édit., p. 108. — Comment se fait-il donc que les chrétiens sociaux accusent le libéralisme économique d’avoir engendré le socialisme, non seulement d’une manière indirecte et par réaction, mais encore d’une manière directe ? (Voyez plus haut, p. 477 en note). « Au point de vue théorique, dit par exemple le R. P. Pachtler, nous accusons avant tout le dogme fondamental du libéralisme — l’omnipotence de l’État — d’avoir servi de précurseur au socialisme. Notre devoir est de prouver que même au point de vue économique le libéralisme a servi de pionnier au socialisme… Il l’a fait directement, en épousant, en théorie