Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/621

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

privées étaient saccagées et pillées ; le principe même de la propriété était attaqué, tout cela au nom de l’Évangile : mais aucun plan de reconstruction et surtout de production économique n’était tracé. Il suffisait aux appétits de pouvoir se satisfaire sous couleur de fanatisme religieux. La démocratie théocratique que le dominicain Savonarole fit régner à Florence de 1491 à 1498 et qui ne prit fin qu’avec sa condamnation par le Saint-Siège et qu’avec son supplice, ne nous présente non plus aucun système nouveau, au moins au point de vue de la production et de la circulation des richesses.

À plus forte raison en est-il ainsi au XVIe siècle, dans le mouvement socialiste que la Réforme déchaîne en Allemagne. Ce mouvement, qui eut Nicolas Storck comme principal prompteur, comprend trois périodes bien distinctes : 1° la guerre des paysans, entre 1523 et 1525. Ceux-ci, soulevés par le prophète Münzer et commandés militairement par Metzler, furent écrasés à la bataille de Frankenhausen en Thuringe, en 1525 ; 2° le mouvement anabaptiste de Zurich, qui éclata après la confession (ou profession de foi) de Zollikon[1], et qui donna lieu à une violente répression en 1528 et 1529 ; 3° la révolution de Munster, lorsque Mathias et Bocold (Jean de Leyde) eurent fait pénétrer l’anabaptisme à Munster et se furent emparés de la ville en 1534. La promiscuité la plus épouvantable y régna, jusqu’à ce que les troupes de l’évêque eussent repris la ville en 1535, après un siège dont les horreurs sont connues.

Dans l’intervalle, en 1527, il s’était établi en Moravie des communautés anabaptistes, qui disparurent rapidement sous l’influence des divisions et de l’immoralité que

  1. En substance, d’après cette profession de foi, toute secte où la communauté des biens n’est pas établie entre les fidèles, est une famille d’imparfaits : ils se sont écartés de la loi de charité, qui faisait l’âme du christianisme à sa naissance. Ce n’était point nouveau comme formule : on en trouve autant chez les gnostiques des IIe et IIIe siècles.