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CHAPITRE II

LE SOCIALISME ET LA RÉVOLUTION

En même temps que l’économie politique naissait, un peu après 1750, au sein de l’école physiocratique, le socialisme, qui jusque là avait fait éclore moins de thèses que de romans à la Jules Verne, prenait de son côté une tout autre position[1]. Il aspirait pour la première fois au rôle de législateur et il ne prétendait pas à moins qu’à renouveler la société. C’est Jean-Jacques Rousseau qui, pour l’époque où nous sommes, est l’apôtre le plus connu de ces dogmes nouveaux.

Montesquieu, prisé des gens qui se piquaient d’être sérieux, Montesquieu, dont l’influence domina plus tard à la Constituante, mérite d’être « légitimement rangé parmi les partisans d’un régime socialiste, sans que d’ailleurs il le juge toujours praticable… L’étude de Montesquieu a un double intérêt : d’abord elle fait voir sous quelle forme apparaissent les idées nouvelles chez un penseur de sa valeur et à une date peu avancée ; ensuite elle nous montre en quelque sorte le socialisme de beaucoup de gens intelligents et modérés du XVIIIe siècle : Attaqué pour ses tendances politiques et religieuses, l’Esprit des Lois vit à peine relever ses idées sur les rapports de l’État et de la propriété. Il est permis d’en conclure, d’abord qu’on n’y trouvait rien de dangereux, ensuite qu’elles ne semblaient pas extraordinaires — car on les eût signalées — et enfin qu’on les jugeait légitimes… Rien ne montre mieux que cet acquiescement tacite, combien était répandue l’habi-

  1. Cette date de 1750 sert précisément à distinguer deux périodes dans le bel ouvrage de M. Lichtenberger, le Socialisme au XVIIIe siècle, 1895. Il en fait une ligne de démarcation entre les écrivains.