commencé par l’état sauvage, qui n’a été pour lui qu’une rétrogradation.
Il est faux également que les sauvages soient plus développés au point de vue moral et soient plus vertueux que les civilisés. ; il est faux, par conséquent, que le sentiment de la pitié soit chez eux plus vif et plus intense. Une telle assertion est démentie par l’observation directe ; elle est radicalement inconciliable avec l’ordre parallèle et harmonique que l’on constate dans le développement des qualités du cœur et de celles de l’esprit par les progrès d’une civilisation bien ordonnée.
Il est faux enfin que l’humanité puisse trouver son perfectionnement dans un retour à la barbarie. « On doit nier, en effet, que l’évolution et le progrès des individus nuisent à la perfection de l’espèce, et que l’égalité dans une barbarie et une misère communes vaille mieux que les inégalités de talent, de mérite et de condition sociale, auxquelles le progrès mène nécessairement[1]. » Tout progrès d’un individu marquera une inégalité de plus au regard des autres qui progressent moins ou bien qui ne progressent pas ; et l’avènement de l’égalité impliquerait fatalement, non pas une élévation des infériorités, parce que cette élévation est impossible, mais un refoulement des supériorités, c’est-à-dire un abaissement de la moyenne[2].
II. Théorie du contrat social. — Comme Platon corrigeant la République par les Lois, Rousseau corrige ou contredit dans le Contrat social quelques-unes des théories formulées dans le Discours sur l’inégalité des conditions.
Dans le Discours, Rousseau avait présenté l’ordre social comme reposant sur la force des uns et la duperie des autres. Selon lui, toute la vertu des fondateurs de sociétés avait consisté à persuader au peuple que le bien de la paix sociale exigeait un pouvoir et des lois politiques, pour