Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/668

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émission ; elle sera uniforme pour tous, et la propriété individuelle n’y sera jamais nommée. Les biens seront communs et les droits égaux. On n’admettra aucune supériorité, pas même celle de l’intelligence ; aucune hiérarchie, sinon celle de l’âge, qui déterminera à elle seule, celle des fonctions. L’union sera libre : les couples se feront et se déferont, à volonté, et le sentiment communautaire remplacera le sentiment familial. La population sera, répartie par groupes de 2.000 à 3.000 âmes, précaution, prise contre les abus des concentrations industrielles, que le machinisme provoque très facilement. Puis, entre ces groupes, les produits s’échangeront directement, sans commerce et sans monnaie.

Owen — comme Saint-Simon et Fourier, et par conséquent à la différence de Gabet, auquel nous allons arriver — Owen a donc toute une philosophie sur laquelle repose son économique socialiste. Pour lui, avec l’exclusion complète de la religion et de tous les mobiles religieux, c’est le déterminisme pur ; c’est la croyance au pouvoir illimité de l’éducation ; c’est le despotisme légal au sens physiocratique et jacobin du mot. Pour lui, « la réforme sociale peut se définir la création artificielle d’un milieu extérieur qui détermine l’homme à la vertu et au bonheur », et ainsi « chez Owen la croyance à la toute-puissance de la vérité sur l’esprit humain se concilie avec le fétichisme de l’État[1]. »

Or, ce « système de société et de religion rationnelles » comme disaient Owen et ses partisans, a joui quelque temps, d’une haute faveur. Deux frères du roi d’Angleterre prirent publiquement la défense d’Owen et ne dédaignèrent.. pas de présider des réunions dans lesquelles il exposait ses idées et montrait les plans en relief de ses futures sociétés « coopératives », rivales des « phalanstères » de Fourier. Il compta parmi ses protecteurs lord Liverpool et le duc de

  1. Dolléans, Robert Owen, pp. 85 et 98.