Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/67

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(II Thess., III, 10), lui aurait même permis de s’appuyer sur la Bible[1]. »

Au reste, le rapport entre le loyer du capital terre, qui était permis, et le loyer du capital argent, qui ne l’était pas, n’avait pas échappé aux scolastiques. Le Corpus juris canonici en avait emprunté déjà un aperçu à saint Jean Chrysostôme[2] : toutefois celui-ci, au lieu de résoudre la difficulté, la tranchait assez brutalement, à ce qu’il semble, en se refusant à voir que la monnaie, instrument d’échange, pût être jamais un instrument de production, c’est-à-dire un capital.

Mais ici l’argumentation par trop brève d’Aristote était trouvée insuffisante par l’École, et les théologiens s’évertuaient à la renforcer.

Comment s’y prenaient-ils ?

Il y a des choses, disaient-ils, dont on ne peut user qu’en les consommant — ce sont les choses fongibles du droit romain ; — puis il y a les choses qui survivent à l’usage qu’on en fait. Ces dernières admettent deux sortes de contrat : la vente, qui implique un pretium, et le louage, qui implique une merces. C’est aux parties à opter entre l’un et l’autre contrats. Mais il n’en est pas de même des choses fongibles comme l’argent : celui qui les emprunte ne peut en faire aucun usage utile, s’il ne les consomme pas ; donc l’analogue du contrat de louage ne

  1. Das Recht auf den Arbeitsertrag, 1891 (tr. fr., Droit au produit intégral du travail, 1900, p. 179). — Item, M. l’abbé Hohoff, déjà cité : « Telles furent, précisément — dit-il en condamnant les revenus sans travail — la conduite et la tendance de l’Église… L’Église, quand elle commença à descendre du faîte de la puissance économique, n’était plus à même de frapper de ses censures maintes injustices qu’une observation rigoureuse de la doctrine aurait atteintes. Elle ne parvint jamais à réaliser son idéal. Son enseignement dut compter avec les faits accomplis » (Voyez Démocratie chrétienne, septembre 1898, pp. 284-285).
  2. « Qui agrum locat ut agrariam recipiat, aut domum ut pensiones recipiat, nonne est similis ei qui pecuniam dat ad usuram ? Absit. Primum quidem, quoniam pecunia non ad aliquem usum deposita est, nisi ad emendum » (Décret., 1, distinctio LXXXVIII, ch. XI, cité par Ashley, 3e éd. [anglaise], t. I, p. 211, note 53).