Alors, direz-vous, Proudhon était communiste ? Non. L’esprit humain, selon lui, va d’un extrême à un autre, d’une erreur à une autre erreur, sans voir la vérité qui est entre elles. La propriété est la thèse, le communisme est l’antithèse ; entre ces deux formules, l’une positive et l’autre négative, il faut introduire la synthèse. C’est la liberté qui sera là synthèse placée à égale distance de la propriété qui spolie les uns et de la communauté qui les contraindrait. À la propriété il faut seulement substituer la possession individuelle, personnelle en ce sens que le possesseur ne pourra pas donner la chose à bail, et héréditaire pourvu que l’égalité ne soit pas violée entre possesseurs. Tout cela sous l’empire d’une constitution anarchique, caractérisée par la suppression des magistratures.
L’ouvrage De la création de l’ordre dans l’humanité (1844) n’est qu’une suite de blasphèmes contre Dieu et d’insultes contre la raison. Aussi nous tarde-t’il d’arriver à l’œuvre capitale de Proudhon, le Système des contradictions économiques ou Philosophie de la misère (1846). Ici Proudhon poursuit son rêve de la synthèse à trouver entre la thèse et l’antithèse entre l’économie politique, qui représente la tradition, et le socialisme, qui représente l’utopie. Il s’évertue à imaginer des contradictions intrinsèques, des antinomies essentielles dans la division du travail, dans les machines, dans la concurrence, dans
production, le patron vole toute la différence dont le produit du travail collectif et organisé excède ce qui serait la somme des travaux individuels. Autrement dit, en payant des travaux simples, il jouit d’un travail composé qu’il n’a pas payé. Tel le maquignon qui vend une paire de chevaux pour un prix plus élevé que la somme des prix isolés de chacun d’eux. — On peut répondre que l’ouvrier ne fournit que des unités de travail, et que la constitution d’un ensemble, étant l’œuvre de l’entrepreneur, pourrait être aussi pour ce dernier le principe d’un profit légitime qui lui fût propre. Et cependant, en fait, l’ouvrier bénéficie bien de toute productivité du travail. L’influence de la productivité sur le salaire, pour être une des constatations les plus récentes de la science, n’en est pas moins un des faits les plus certains. Et alors cette productivité qui détermine ou qui hausse le salaire moyen, est incontestablement le quotient du produit total par le nombre total des producteurs.