qu’il ne le peut et qu’il ne le fait avant ce rachat et sous un régime de propriété perpétuelle et privative. Cette thèse est absolument contraire à tout ce que nous pouvons déduire de la connaissance de la nature humaine. Bien plus, sous un régime de démocratie et de suffrage populaire (qui est incontestablement dans la pensée et les vœux de M. Walras), cette thèse est particulièrement fausse, puisque l’État n’est alors que l’organe et la résultante des volontés des électeurs, lesquels n’auront aucun motif d’être plus raisonnables, plus éclairés, plus conscients de leurs intérêts collectifs, après le rachat des terres, qu’ils ne l’étaient auparavant pour leurs intérêts individuels. Tout le monde sait bien que les Français pris en bloc, avec le suffrage universel, administrent fort mai leurs finances nationales, tandis que pris en détail ils gèrent très bien leurs patrimoines particuliers.
Le grand apôtre de la nationalité du sol, effaçant Colins et Gossen et rivalisant presque de gloire avec Karl Marx, c’est l’Américain Henri George (1839-1897), auteur de Progress and Poverty. Henri George fut alternativement typographe et matelot, puis journaliste et homme politique, et il faillit être maire de New-York[1].
Voici les grandes idées du fameux ouvrage Progrès et pauvreté, paru en 1879.
Partout, malgré le développement colossal de l’industrie, la plus grande misère règne dans les masses populaires. À un phénomène aussi général il faut une cause générale : elle est dans la rente, conséquence nécessaire de la propriété privative du sol. La rente a cela de monstrueux, qu’elle grandit aux dépens de la part du capital et de la part du travail, par le seul effet de l’accroissement de la population et de l’industrie. Rente foncière, loyer pour les capitaux industriels et salaire pour les travailleurs, voilà,
- ↑ Sur Henri George, étudier W.-J. Kerby, le Socialisme aux États-Unis, 1897, pp. 175 et s. ; — Verhaegen, Socialistes anglais, 1898, pp. 299 et s. ; — Albert Métin, le Socialisme en Angleterre, 1898, pp. 157 et s.