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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/756

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il serait dans le retour à un régime de liberté tout à la fois juridique et morale, au milieu duquel la propriété foncière irait aujourd’hui en s’émiettant comme toutes les autres et où elle deviendrait naturellement accessible, par fractions quelconques, aux familles laborieuses et rangées qui s’élèveraient par leur travail. Seulement on nous dira qu’il est un peu tard pour un remède de ce genre, avec la situation profondément misérable des populations agricoles du Royaume-Uni.

En tout cas, cette situation particulière de la propriété rurale dans les Îles Britanniques explique fort bien que le mouvement en faveur de la nationalisation du sol y ait pris naissance, et cela dès la fin du XVIIIe siècle. Les premiers champions en avaient été, Thomas Spence (1760-1814), qui la préconisa en 1785 dans une célèbre conférence faite devant la Société philosophique de Newcastle[1], et William Ogilvie (1737-1819), professeur à l’Université d’Aberdeen, auteur de An essay on the right of property on land (1781)[2]. Dans cet ouvrage Ogilvie distinguait trois espèces de valeurs dans la terre : 1° la valeur originelle ; 2° la valeur potentielle ; 3° la valeur d’amélioration. Les deux premières auraient été prises par l’État moyennant indemnité ; les landlords auraient gardé seulement la troisième, que les paysans auraient été facilités à acquérir.

Au moment où parut Progress and Poverty d’Henri George, des systèmes analogues à ceux de Spence et

    Elle obligea la population à s’expatrier ; elle fit raser les villages et les maisons ; et en 1820 les trois mille familles qui avaient formé auparavant un ensemble de 15.000 habitants, étaient remplacées par vingt-neuf familles seulement, qui faisaient paître 130.000 moutons. — On comprend que de tels abus, qui sont énergiquement condamnés par la morale et qui devraient l’être par le droit, abus, il faut bien le dire, dont la France n’a jamais présenté d’exemples, sont admirablement faits pour exciter l’opinion contre l’institution même de la propriété foncière. — Karl Marx, dans son Capital (t. I), a fait allusion à ces expulsions impossibles à justifier.

  1. Thonissen (le Socialisme depuis l’antiquité, t. II, pp. 193 et s.) a un curieux chapitre sur Spence et les « philanthropes spencéens ».
  2. Essai sur le droit de propriété sur la terre.