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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/764

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vis perfectus esse, vende quæ habes et da pauperibus[1] — fût montrée tout de suite en action, sans que rien pourtant l’appelât jamais à se généraliser et à tarir, par cette généralisation même, les sources nécessaires de la production[2].

Aussi, entre chrétiens, ce n’est qu’en dehors du grand courant de l’Église catholique qu’il faut aller chercher des ébauches de socialisme : et on ne les trouve alors que mêlées à l’immoralité, chez les gnostiques et les carpocratiens des premiers siècles, chez les Fraticelles et les Begghards du moyen âge et chez les anabaptistes de la Réforme.

Il n’y a pas davantage une grande théorie socialiste qui soit d’origine chrétienne. Ce n’est pas le fondement humain et arbitraire de la propriété, tel que Rousseau le soutenait dans le Contrat social, puisque la loi même du Sinaï d’abord et ensuite l’Évangile nous montrent la propriété comme voulue de Dieu[3] ; ce n’est pas la thèse du produit intégral au travailleur, puisque ni la pratique traditionnelle de l’Église, ni la théologie scolastique ne l’avaient jamais proposée, ni soupçonnée ; ce n’est pas davantage la thèse de la valeur causée par le travail ou celle de la rente aboutissant à la nationalisation de la terre, puisque l’Église n’est jamais entrée dans l’explication économique des faits et qu’elle a librement abandonné à la science profane la constatation des lois de ce même ordre, en tant du moins qu’on n’en fera point découler des formules ou des pratiques qu’elle devra condamner.

L’économie politique libérale s’accorde donc infiniment mieux avec la morale chrétienne. Sans doute elle se contente d’expliquer et de décrire au lieu de commander ;

  1. S. Mathieu, xix, 21.
  2. Voyez dans Religions et sociétés, 1905, une conférence d’un député radical, M. Puech, à l’École des hautes études sociales, avec cette conclusion loyalement donnée : « Le christianisme primitif a été un mouvement purement religieux, nullement social » (Op. cit., p. 107).
  3. S. Mathieu, xix, 18 : « non facies furtum ».