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Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/79

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n’est pas un vain signe, que le métal dont elle est faite a par lui-même une valeur propre et que, par conséquent, il ne dépend pas du prince d’y attribuer un pouvoir conventionnel et fictif, mobile peut-être comme ses caprices et ses besoins[1]. On comprend donc très bien que le traité De regimine principum ait eu certaines idées saines sur l’altération des monnaies. Cependant il faut attendre la période des grandes altérations monétaires, période ouverte en France par Philippe le Bel, pour voir cette question entourée de toute l’attention qu’elle mérite.

Le moyen âge, d’ailleurs, avait longtemps présenté à un très haut degré les caractères d’une Naturalwirthschaft — ou économie naturelle — et il était encore loin de les avoir dépouillés complètement, même pour la période que nous étudions ici. Par conséquent, la question des monnaies y était moins intéressante d’autant[2].

Sur ce sujet, pour le règne de Philippe le Bel, nous nous bornerons à signaler Pierre du Bois et Buridan.

Pierre du Bois, avocat et membre des États Généraux de 1302, expose en 1308, au plus fort de la crise, la hausse des prix, telle qu’elle doit résulter de l’altération des espèces et il entrevoit la tendance à la sortie de la monnaie

  1. Voyez Brants, Théories économiques aux XIIIe et XIVe siècle, p. 180. — Rien de plus faux que l’assertion de Meyer (laquelle aurait aussi l’inconvénient de légitimer toutes les altérations monétaires et toutes les folies du papier-monnaie). « Les marchandises, dit-il, étaient réellement vendues selon leur valeur. Pour compléter la ressemblance de ce système avec la théorie des prix de Proudhon et de Rodbertus, il y avait encore la conception particulière que les canonistes se faisaient de la monnaie. La monnaie (Geld) ne devait pas être envisagée d’après une valeur intrinsèque, d’après sa composition en métal, d’après sa valeur de marchandise, mais d’après la valeur nominale qui était empreinte sur la pièce, c’est-à-dire d’après la valeur que cette pièce représentait (vorstellte). Donc, en principe, c’est la monnaie-travail (Arbeitsgeld) des socialistes, monnaie qui n’a aucune valeur propre et qui se borne à en représenter ou à en remplacer une (Kapitalismus fin-de-siècle, p. 34). On voit que les socialistes même chrétiens ne se gênent guère pour prendre des licences avec l’histoire.
  2. La question de la monnaie et de ses altérations a donné lieu depuis un demi-siècle à un grand nombre d’études : on peut en voir la bibliographie dans l’excellente Histoire de la monnaie, 1252-1894, de W. A. Shaw, tr. fr., Paris, 1896.