Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/185

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que chose d’incontestable. C’est le fils aîné du roi ; cela est net, il n’y a point de dispute.[1]

Et pourtant, cette préoccupation du bonheur et de la justice est, comme la pensée, le signe manifeste de notre noblesse et de notre dignité. L’homme est petit en ce qu’il place le bonheur dans le divertissement et la justice entre les bras de la force ; mais de telles erreurs témoignent de sa haute origine. Chercher le bonheur où il n’est pas, c’est encore le chercher ; justifier les excès de la force, c’est encore rendre témoignage à l’idée de justice. De semblables faiblesses ne sont pas des faiblesses roturières ; ce sont misères de grand seigneur !

Ainsi l’homme a mérité tout ce qu’il s’est prodigué d’insultes et de flatteries. Malgré la vue de ses maux qui le tiennent à la gorge, il a un instinct qui l’élève et un instinct plus fort que lui. Plus l’homme a de lumière, plus il découvre en lui de grandeur et de bassesse. Pascal l’élève ou l’abaisse, suivant qu’il s’abaisse ou s’élève, et le contredit toujours jusqu’à ce qu’il comprenne qu’il est un monstre incompréhensible.

Quelle chimère est-ce donc que l’homme ? s’écrie Pascal épouvanté. Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d’incertitude et d’erreur, gloire

  1. Pensées de Pascal, édit. Astié, II, p. 149.