Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/196

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ranger, de Victor Hugo n’est plus la poésie du présent. En vain me parlera-ton d’une littérature de plus fraîche date. En vain m’objectera-t-on qu’après Musset le poëte, il est venu Musset, l’auteur des Contes, des Nouvelles et des Comédies et Proverbes, en vain parlera-t-on des drames demi-monde d’Alexandre Dumas fils, ou d’autres productions tout à fait récentes. Ne voyez-vous pas que cette littérature aussi confirme, à sa manière, le dire de Pascal ? Elle n’est ni franchement triste, ni franchement gaie ; elle rit souvent ; mais son rire est forcé et dissimule mal un incurable ennui. Elle se divertit.

Il n’est donc pas venu le temps où sur ce premier point aura fléchi l’argumentation de Pascal. Le cœur humain n’a pas encore comblé son abîme ; cette terre d’exil, que l’on dit riante et commode, ne fait pas encore oublier toute patrie d’au delà ; l’aspect du monde offre encore assez de mystère pour inspirer de l’effroi. La manière de sentir ne suffit pas ici pour décider de la manière de juger ; l’appréciation des Pensées n’est pas encore une question de tempérament. S’il est des hommes qui puissent se flatter d’échapper aux étreintes de Pascal, ce sont ceux dont le caractère est assez mobile pour qu’ils soient à toujours incapables de quelques minutes de recueillement. Toute la force d’Hercule ne lui eût pas suffi à retenir dans ses mains quelques gouttes de vif argent. Encore pour ceux-là même est-il à