Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/227

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que de nos jours elle ne soit devenue dangereuse. Ces figures qui semblent un peu tirées par les cheveux et qui ne prouvent qu’à ceux qui sont persuadés d’ailleurs[1] ne convaincront plus un grand nombre de personnes ; ces miracles qui ne servent pas à convertir, mais à condamner,[2] ne serviront que trop à leur but. Et ces discours des prophètes qui sont contraires et se détruisent,[3] et ces prophéties qui sont justes à deux cents ans d’approximation…[4] Hélas ! tout cela est trop fort pour nous !

Pascal aime à clouer ses adversaires entre les deux branches d’un inexorable dilemme. « Figures ou sottises », s’écrie-t-il à propos des cérémonies du peuple juif. Pascal ne nous offre le choix qu’une fois d’une aussi brusque façon ; mais, à chaque instant, le dilemme existe dans la pensée, sinon dans les mots. Figures ou sottises, miracles ou sottises, prophéties ou sottises ! Un pareil argument est parfait pour convaincre les gens convaincus. Mais prenez garde avant de l’employer avec les profanes. Il pourrait, comme le roseau d’Egypte, percer la main qui s’y appuie. Craignez qu’il ne vienne un temps où on l’accepte, mais pour répondre hardiment : Sottises ! sottises ! Jouer un enjeu pareil, c’est jouer quitte ou double ; c’est se mettre soi-même dans la redou-

  1. Pensées de Pascal, édit. Astié, II, p. 345.
  2. Ibidem, II, p. 330.
  3. Ibidem, II, p. 347.
  4. Ibidem, II, p. 372.