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BÉRANGER ET M. RENAN[1]




Comment parler avec justice de M. Ernest Renan ? Trop de bruit l’entoure, et il faudrait le sang-froid de l’indifférence pour considérer sans émotion l’œuvre qu’il accomplit. M. Renan sait ce qu’il en coûte pour se dépouiller de la foi dont notre enfance a vécu. Dans la chute de nos premières croyances, il semble que l’âme elle-même s’abîme et s’anéantisse. Il se peut qu’elle se relève rajeunie ; mais ces transformations morales ne s’accomplissent jamais sans douleur, et nulle part ne se manifeste plus inexorable la grande loi du développement universel, qui veut que la vie s’entretienne de ses dépouilles, et qui fait de la mort la condition de toute renaissance. Combien de personnes doivent à M. Renan de le savoir par expérience ! Combien en a-t-il jeté d’autres dans les angoisses du doute, qui n’en sont pas sorties ! Sa

  1. Ernest Renan, Questions contemporaines. Paris, Michel Lévy, 1868.