l’amour, mais dans son exaltation, voilà pour elle toute la différence. La critique positive objecte de son côté que M. Renan a exagéré le rôle de Marie, et dépassé les conclusions que l’on peut tirer des documents historiques. C’est possible, et je serais assez porté à le croire ; mais le portrait qu’il trace n’en garderait pas moins sa part de vérité. Qui dira de quel prix ont été pour l’église les souvenirs des saintes femmes, et le culte plus personnel qu’elles vouaient à la mémoire du maître ? Qui dira la force qu’y a puisée la religion naissante, dans la période obscure qui s’écoula entre la mort de Jésus et la vocation de Saint Paul ? Leur foi, toute composée de souvenirs et d’amour, n’a-t-elle pas relevé souvent le courage des disciples ? La Marie Magdelaine de M. Renan n’est qu’un type particulier de cet amour féminin. Elle n’a rien qui rappelle la beauté pure, rayonnante du premier éclat de la maternité, dont la Renaissance a multiplié les images. Marie de Magdala est une pauvre femme. Elle a longtemps souffert, et ses traits sont fatigués. Mais ni la maladie, ni le mépris, n’ont altéré la limpide profondeur de son regard, regard pur, délicat, infini, tout à son objet et qui le créerait s’il venait à lui échapper. Jamais l’amour ne fut plus religieux, ni l’adoration plus aimante. Elle a transporté la passion dans l’amour divin, mais la passion dépouillée de ce qui la trouble
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