Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/309

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velles, et s’y promène en amateur curieux et blasé. Il se peut que cette image ne soit pas complètement fausse, et que, sans injustice, on puisse y reconnaître non le portrait de M. Renan, mais sa caricature à certains jours. Prenons garde toutefois à cette façon de juger le prochain en le prenant à ses heures de dégoût et d’inévitable sécheresse. Songeons à ce que deviendrait notre portrait si on nous appliquait le même procédé. Le fait est que cet amateur blasé est à sa manière un homme de méditation intérieure et qu’il y a du mysticisme dans ce dilettante.

La vraie religion est le fruit du silence et du recueillement. Elle est synonyme de distinction, d’élévation, de raffinement ; elle naît avec la délicatesse morale au moment où l’homme vertueux, rentrant en lui-même, écoute les voix qui s’y croisent. En ce silence, tous les sens étant apaisés, tous les bruits du dehors étant éteints, un murmure pénétrant et doux sort de l’âme, et rappelle comme le son d’une cloche lointaine de village le mystère de l’infini. Semblable alors à un enfant égaré, qui cherche vainement à démêler le secret de sa naissance inconnue, l’homme qui médite se sent dépaysé. Mille signes de la patrie provoquent chez lui de mélancoliques retours. Il s’élève au-dessus des terres fangeuses de la réalité vers des champs pénétrés de soleil ; il sent ces parfums des jours antiques, que les mers du sud conservaient encore quand les vaisseaux d’Alexandre les parcoururent pour la première fois. La mort, en habit de pèlerin, revenant de terre sainte, frappe à la porte de l’âme, qui commence à sentir, ce qu’elle ne voyait pas dans le trouble de la