Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/333

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rejetant loin d’elles une multitude d’hypothèses longtemps acceptées de tous, faire la chasse aux fluides, aux principes vitaux, en un mot, aux divers esprits qui, sous mille formes et sous mille noms, couraient dans le sang des animaux, dans la sève des plantes et jusque dans les produits de cette nature que nous appelons morte, parce qu’elle vit autrement que nous. Si l’histoire des hommes débute par le mensonge, celle de la nature commence par la fable, et’l’une et l’autre ont d’abord la crédulité pour garant. Mais la critique littéraire ! Sera-t-elle aussi sujette à d’incessantes révisions ? Elle peut se tromper sans doute. Il faut faire la part des caprices de la mode et des écarts de la passion ; mais la mode passe, les passions s’apaisent, et le temps fait l’œuvre de la justice. Les jugements du goût ont le double avantage de porter sur des objets clairement définis, et de ne relever, en dernière analyse, que du sens commun. Ils peuvent être suspects dans l’origine ; mais ils s’épurent bientôt, et ils finissent par présenter des garanties qui paraissent solides. Quand la postérité est unanime à admirer l’œuvre d’un poëte ou d’un artiste, ne pourrons-nous pas, en sûreté de conscience, nous en rapporter à son jugement ?

Et à supposer qu’elle se trompe, sera-ce une raison suffisante pour révoquer en doute les principes généraux sur lesquels reposent ses jugements ? Les juges se trompent parfois ; mais leurs erreurs ne