Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/361

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ries philosophiques et littéraires que pour se rabattre sur des analyses plus modestes, mais qui tendent au même but. Qu’est-ce que le goût ? Peut-on disputer du goût ? Y a-t-il un goût général et qui fasse loi ? Quoique ces questions touchent par plus d’un point à des problèmes compliqués, la réponse ne se fait pas attendre, et il faut beaucoup moins de temps pour en finir avec l’illusion du goût qu’avec celle des théories. J’ignore si l’académie française a jamais su ce que c’est que le goût ; mais il n’est pas nécessaire de comprendre tout ce qu’on croit, et l’académie française est tenue de croire au goût, afin de ne pas douter d’elle-même. La dernière fois qu’elle en a parlé, elle en a fait un sentiment qui peut se perfectionner.[1] Un homme qui n’est pas de l’académie, mais qui, par l’étendue de ses connaissances, vaut une académie, et qui en vaut plusieurs par sa capacité de travail, M. Littré, croit aussi au goût, et le définit sans hésitation, — les dictionnaires n’hésitent jamais, — « une faculté toute spontanée, qui précède la réflexion, que tout le monde possède, mais qui est différente chez chacun, et qui fait apprécier les beautés et les défauts dans les ouvrages d’esprit

  1. L’académie française a mis au concours, il y a quelques années, la question suivante : « De la nécessité de concilier dans l’histoire critique des lettres le sentiment perfectionné du goût et les principes de la tradition avec les recherches érudites et l’intelligence historique du génie des divers peuples. »