Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

romain. Au théâtre même, la satire varie infiniment. Il est telle scène qui est un salon, telle autre qui est une agora. De là quelques-unes des principales différences entre la satire d’Aristophane et celle de Molière. Surtout elle change de forme selon le génie des différentes nations. L’imagination grecque avait reçu de la nature et de l’histoire une tout autre éducation que l’imagination française. Née sous un beau ciel, jeune et dégagée de la servitude des antécédents, elle se jouait de la vie et du monde, tandis qu’il n’est pas un poëte français qui n’ait dû se frayer un chemin à travers les obstacles accumulés autour de lui par une nature plus ingrate, des mœurs moins libres, les modèles acceptés, les traditions régnantes, les règles de l’école, et les susceptibilités jalouses de puissances rivales : noblesse, cour, magistrature, église, Sorbonne, académie, etc. On reproche à Molière d’avoir mis de la morale dans ses comédies ; mais tous les poëtes français du XVIIe siècle ont été moralistes autant que poëtes. C’était la forme obligée de la poésie, et Molière était plus qu’un autre tenu de s’y conformer. Croit-on, peut-être, que le Tartuffe eût été possible sans Cléante, et le sens historique et profond de l’appel à l’autorité royale, par lequel la pièce se termine, ne sautet-il pas à tous les yeux ? La maison d’Orgon, c’est la France. Le beau plaisir de condamner au nom