Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/414

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N’importe, l’effet est le même. Mais ce qu’il ne dit pas, par fausse honte, par vanité, peut-être par pudeur, c’est la peine qu’il faut à cette puissance divine pour le posséder entièrement, et faire circuler une vie nouvelle dans toutes les fibres de son être ; ce qu’il ne dit pas, c’est comme il halète sous l’étreinte, et de quelle fatigue se payent ces heures d’ivresse. Le poëte a beau faire, il est toujours homme, c’est-à-dire rebelle à la divinité. Il la désire et se dérobe ; elle, de son côté, ne se donne que lorsqu’elle est assez ardemment désirée. Lutte étrange, où la faiblesse humaine ne triomphe qu’en employant toutes ses ressources, en se jugeant sans cesse pour demander sans cesse davantage. Il faut, comme autrefois les prophètes en prière, il faut forcer la main à la divinité.

Il y a donc un critique dans tout artiste ; il y a de même un artiste dans tout critique.

La chose est évidente si l’on parle de ces critiques qui ne visent à rien moins qu’à faire revivre le passé, à peindre les grandes figures historiques, comme si elles posaient vivantes sous nos yeux, à reproduire le mouvement et la physionomie des sociétés qui ne sont plus. Ceci est de l’art, de l’art au premier chef, un art dont les hommes de notre temps se montrent avides. Il n’y a plus de limites entre l’histoire et la poésie.

On en pourrait dire autant, peut-être, de cette