Page:Rambert - Études littéraires, t1, 1890.djvu/97

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pas fait ces choses par la puissance qui m’estpropre, et que ce soit une volonté étrangère qui me les ait fait vouloir à mon insu. Le sentiment de la liberté est aussi profondément enraciné dans le cœur de l’homme que le simple sentiment de l’existence. On les anéantira l’un et l’autre, ou l’un et l’autre ils subsisteront.

C’est en vain que l’on voudrait distinguer avec Calvin entre la volonté et la liberté. Il ne faut pas, en matière si grave, jouer sur les mots. La volonté et la liberté ne sont pas une seule et même chose, j’en conviens ; mais ce sont deux choses inséparables. Une volonté qui n’est pas libre, n’est pas une volonté. La distinction correspondante établie par Calvin entre contrainte et nécessité n’est guère plus heureuse. Il importe peu que j’agisse par contrainte ou par nécessité ; je ne suis dans les deux cas qu’un esclave ou un instrument. Dès l’instant que ma volonté n’est pas libre, je n’ai plus lien à perdre. La servitude est la même dans les deux cas.

Ce n’est pas à dire que l’homme soit toujours libre de faire ce qu’il veut. Il peut vouloir l’impossible ; mais il faut qu’il soit libre de le vouloir. C’est dans le for intérieur de la volonté, et non dans le déploiement de l’action, qu’est le siège de la liberté. Jetez un homme dans les fers, gardez-le dans le plus sombre cachot, il sera libre encore, libre d’aimer et de haïr, libre de maudire ses chaînes et ses geôliers,