Page:Rambert - Études littéraires, t2, 1890.djvu/315

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pour lui. Si ce n’est pas un jeu, alors il faut bien reconnaître que l’impassibilité n’a pas même existé chez le chef des impassibles et que jamais la poésie ne s’est répandue en plaintes plus aiguës que depuis qu’elle se pique d’indifférence.

Mais la question est jugée, et nous avons tort d’y revenir. Une autre question intéressera sûrement les critiques de l’avenir. Ils seront mieux placés que nous pour faire des réflexions utiles sur la crise — je ne trouve pas d’autre nom — que les développements de la science moderne ont déterminée dans le sein de la poésie, et dont Leconte de Lisle nous offre un exemple singulier. Né créole, il est devenu positiviste, de sorte qu’à la poésie de l’Orient il associe tout ce qu’il y a de moins mystique, de plus mathématique dans la civilisation et dans la philosophie de l’Occident, et l’on peut dire que la réunion de deux caractères si opposés est son originalité principale. Autrefois, la poésie chantait les rêves de la jeunesse et les tristesses ou les consolations de l’âge mur. Elle idéalisait les sentiments humains que fait naître la succession des âges, et s’il lui arrivait de s’élever au-dessus de ce qu’un de vos écrivains appelait gracieusement les horizons prochains, c’était pour s’élancer, avec la religion, sa sœur, au-devant d’une éternité bienheureuse. À cette poésie, fille de la foi, a succédé celle du doute, du doute qui souffre et qui pleure, du doute d’Alfred