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l’ouragan qui, sans cette précaution, les ferait voler en éclats. En plein jour, il fait donc nuit dans les maisons, et l’on travaille à la lumière, en attendant le dénoûment prochain des convulsions de la nature.

VI.

Je ne me rappelle qu’avec effroi ces moments de deuil anticipé qui précèdent des scènes terribles.

Enfin, un point s’éclaircit dans le sombre horizon : c’est le cratère qui indique la venue et la direction du sinistre. Le signal est donné : en un clin d’œil la nature est bouleversée.

Un souffle violent bat la mer, et l’eau est balayée en poussière ; les arbres craquent et se brisent ; les champs de cannes sont renversés, emportés ; les constructions s’écroulent ; au bout de quelques instants succède, à la végétation la plus luxuriante, la plus vaste désolation.

Dans ces affreux moments, nous avons vu de fiers créoles verser des larmes, non pour la perte qu’ils venaient de subir, mais sous l’émotion inexprimable que leur faisait éprouver le changement qui s’était opéré à vue d’œil, et qui avait imprimé aux campagnes les plus fortunées le plus lugubre aspect.

Ce n’est que quelques jours après le sinistre que l’horizon revêt tous ses crêpes de deuil. Les branches et les feuillages qui adhèrent encore aux troncs solides, mais qui ont été froissés par l’ouragan, jaunissent, et donnent aux sites enchanteurs qui rappelaient les jardins d’Armide un