même éclairer mon visage, s’il m’arrivait d’oublier de le composer par respect pour les douleurs qui m’entouraient.
Lamartine a dit avec raison, en parlant de l’heureuse et puissante influence des voyages : « Le grand air évapore seul les grandes douleurs, le changement perpétuel de lieu guérit les fièvres du cœur comme il coupe les fièvres du corps[1]. »
À quelque chose malheur est bon, nous dit la sagesse des nations ; cela a été vrai pour moi, car non seulement ces voyages ont refait ma santé fatiguée, mais j’ai conservé de toutes ces épreuves une expérience difficile à acquérir ailleurs, et un état moral qui convient, il me semble, à l’homme passager sur la terre.
Lorsque je jette un regard sur le passé, j’éprouve, à ma manière, mais sans y mêler de l’égoïsme, une certaine volupté exprimée dans ce passage de Lucrèce : « Il est doux de contempler du rivage les flots soulevés par la tempête, et le péril d’un malheureux qui lutte contre la mort : non pas que l’on prenne plaisir à l’infortune d’autrui, mais parce que la vue est consolante des maux que l’on n’éprouve point. Il est doux encore, à l’abri du danger, de promener ses regards sur deux grandes armées rangées dans la plaine[2]. »
Homère avait déjà dit : « … Hélas ! l’homme trouve des charmes même dans ses maux lorsqu’il a beaucoup souffert et beaucoup erré[3]. »