Page:Rambosson - Histoire des Météores, 1883.djvu/37

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quelques instants que je participe à la table des dieux.

Je me retrouve à sillonner les vastes mers ; je contemple de nouveau la cime fumante de Ténériffe, qui s’élève au-dessus des sombres flots avec la majesté d’une reine en deuil. Que de souvenirs se pressent en ma mémoire !… Je m’arrête quelques instants à Sainte-Hélène ; assis auprès d’un marbre tumulaire, j’étanche la sueur qui baigne mon visage fatigué, mon front se penche naturellement sur ma main, et je m’abîme dans la contemplation du passé, du présent et de l’avenir, à l’ombre des saules funèbres où est venu s’éteindre le plus terrible des météores humains qui ait paru sur la terre.

Mais déjà nous doublons le cap des Tempêtes, nous sommes enfermés dans le navire en détresse comme dans un tombeau abandonné au sein de l’immensité ; le cyclone rugissant fait éclater nos voiles, les mâts et les huniers volent au loin comme des jouets d’enfant, les vagues s’élèvent comme des collines et bondissent comme des béliers. Enfin nous arrivons près de l’Ile-de-France ; la mer s’apaise, nous revoyons le ciel bleu, et nous saluons avec enthousiasme les arbres qui ont ombragé Paul et Virginie ; bientôt nous apercevons un phare immense qui se perd dans les astres : c’est le volcan de l’île de la Réunion qui nous donne rendez-vous (fig. 5). Salut, île fortunée ! salut à tant d’êtres chers qui respirent sur ton sol embaumé, avec lesquels j’ai partagé le pain de l’étranger et participé à la coupe de l’amitié !

Comment ne parlerais-je pas avec quelque enthousiasme des voyages lointains ! On conserve toujours pour eux une espèce de nostalgie dès qu’on en a goûté ; d’ail-