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Page:Ramuz - Œuvres complètes - tome 8, 1941.djvu/109

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refusa. Bientôt le maçon arrivait ; la première chose qu’il fit fut de passer les murs au lait de chaux, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Il peignit ensuite la porte ; il recouvrit le sol (qui était de terre battue) d’un carrelage de ciment.

Restaient les plafonds ; ils furent passés aussi en peinture.

Mais la merveille des merveilles fut, quelques jours après, un samedi soir que tout le village était venu voir où on en était des réparations : au-dessus de la fenêtre, une belle enseigne pas encore sèche était accrochée, où on lisait en lettres jaunes sur fond bleu :


BRANCHU

CORDONNIER À FAÇON


À gauche, en guise d’ornement, il y avait une bottine de dame en cuir rouge ; à droite, une botte d’homme en cuir noir, qui se tenait toute raide en l’air avec sa tige, comme s’il y avait eu une forme dedans.

On admira beaucoup l’enseigne, jamais on n’en avait vu une si belle dans le pays. Branchu devait l’avoir peinte lui-même, et sans doute en cachette, car personne ne l’avait vu y travailler. Sûrement qu’il voulait vous faire la surprise ! Quel drôle d’homme ! D’où est-ce qu’il avait tant d’argent ?

On discutait là-dessus, quand justement il se montra, venant de l’auberge, parce qu’il y logeait toujours, et c’était que le menuisier, à qui il avait commandé les meubles, ne les lui avait pas apportés encore.

Les uns, en le voyant venir, firent mine de s’éloigner ; d’autres eurent l’air de ne pas l’apercevoir (certains malgré tout restaient méfiants), plusieurs n