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Page:Ramuz - Œuvres complètes - tome 8, 1941.djvu/197

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— Eh bien, dit le curé, vous êtes nombreux aujourd’hui !…

Et, éclatant de son gros rire :

— Allez seulement, je sais bien ce qui vous amène, mais vous venez trop tard. Il faut laisser la punition se faire ; on ne va pas contre la punition…

Il se mit à rire de nouveau ; eux, ils entrèrent. Il faisait trop sombre dans la pièce pour qu’on y pût rien distinguer nettement. Pourtant un malaise leur était venu, et, un long moment, ils se turent.

Ce fut le grand Communier qui, en sa qualité de chef, prit la parole le premier :

— Monsieur le curé, dit-il, c’est nous. Nous venons de nouveau. Mais nous voilà dans une telle situation…

Il dit :

— Cet homme ne nous lâche plus…

Le curé demanda : « Quel homme ?… » Il n’alla pas plus loin, il se troublait.

Heureusement pour lui que déjà une troisième voix venait, une toute petite voix d’enfant, celle-là (seulement un peu tremblotée) ; c’était le vieux Jean-Pierre :

— Ah ! monsieur le curé, là est justement le malheur que personne ne sait qui il est ; ce ne serait rien, si on savait… Mais nous n’avons pas perdu confiance. Et c’est justement pourquoi on est venu, monsieur le curé, parce que, si vous le voulez bien, on irait prier le bon Dieu ; peut-être qu’il nous entendrait, si c’est ensemble qu’on le prie ; quand on est seul, il n’entend pas.

Tous se mirent à hocher la tête.

Le curé se promenait de long en large dans la chambre ; à cause de l’obscurité, sa figure restait cachée ; seule se distinguait encore sa haute silhouette noire qui tour à tour se rapprochait et s’éloignait.