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Page:Ramuz - Œuvres complètes - tome 8, 1941.djvu/205

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CHAPITRE VI




I

Alors il y eut des inondations, et il y eut des avalanches. Le printemps s’était fait trop vite, le printemps cette année-là était venu bien avant le temps ; la neige fondit partout à la fois : il y eut encore ce malheur d’une ruine générale. Ravinements, éboulements, débordements. Si vous étiez montés en haut de la tour de l’église, vous auriez été effrayés. Au lieu du revêtement vert et de cette jolie peinture de banc de jardin qui se voyait, en cette saison-là, de toute part, le long des pentes, avec l’émaillage dessus des crocus et des anémones, il y avait partout des traînées de gravier ; la terre était fendue et retournée (quelle charrue avait passé par là ?). Les écluses de l’étang avaient fini par céder ; il montrait son fond de vase craquelée comme la faïence d’une vieille assiette. Mais le plus étonnant encore, parmi cette désolation, était l’absence de tout être vivant : pas même le petit chat qui se glisse, allongeant les pattes sous la porte de la grange, la poule qui penche la tête, tandis que sa crête lui pend sur l’œil. Et la grande lumière revenue avec les chauds rayons d’avril, quand, d’ordinaire, les premiers bourgeons se montrent aux buissons comme si des griffes leur poussaient, la grande lumière revenue accentuait encore l’horreur de tout. Le vide. Le vide