Page:Ramuz - Joie dans le ciel.djvu/69

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le temps n’a plus rien été pour moi, qui dévorais sans en sentir le goût le peu de jours qui nous sont donnés. Il me fallait me cacher des hommes, et mentir, et aussi, comme le chemin du pierrier était trop long et fatigant, je me laissais descendre dans les rochers à une corde. C’était mon frère et moi qui l’avions installée, et une fois mon travail fini, et moi remonté, je la retirais. Je travaillais tout nu comme ceux qui sont aux galères, sans point d’eau que celle que j’apportais dans un tonnelet, sans rien autre chose qu’un peu d’eau, un peu de pain, un peu de fromage. Du matin au soir. Depuis de très bonne heure le matin jusque tard le soir. Tout nu, exposé tour à tour au grand soleil, aux longues pluies et à l’orage, point d’autres outils qu’un pic et une pelle, creusant d’abord avec le pic, puis enlevant les débris à la pelle ;