Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/114

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ment, autrefois, elle montait tout de suite à l’étage et sûrement qu’elle y trouverait quelqu’un, parce que l’heure du repas de midi n’était pas loin, mais elle n’osait pas. Elle tenait son livre de cantiques qui était noir dans sa main gauche, et, de dessous son chapeau à ruban bleu, elle se contente de lever les yeux, pour le cas où on viendrait par hasard, pour le cas où peut-être on l’aurait aperçue, et on viendrait.

Mais on ne venait pas, personne ne venait.

Elle s’en est allée au bout d’un moment. Elle a remonté la rue qui, peu à peu, se changeait en route, croisant des gens qui lui disaient bonjour et elle leur disait bonjour sans les regarder, la tête baissée, les yeux cachés (heureusement) par le bord de son chapeau. Elle a remonté la rue jusqu’à la sortie du village ; là elle revient sur ses pas.

Elle avait une jolie robe de foulard blanc avec des bouquets de fleurs bleues, un col de lingerie. Elle tenait son livre de cantiques dans la main gauche, elle avait des gants blancs. Elle s’était faite belle pour lui. Elle n’avait pas plus de dix-sept ans, lui dix-huit. On lave ses cheveux blonds avec un shampoing à la camomille dans sa cuvette, avant de se coucher ; on en roule les mèches avec soin dans des papillotes de cuir ; et au matin, le soleil revenu, on voit la belle couleur de miel qu’ils ont, tout crêpelés, tout frisottants, — et tout ça inutilement, et toutes ces choses pour rien.

Et vos jolis souliers décolletés couleur noisette, de même, et vos bas de soie blanche, et tout, et qu’on soit rose et fraîche,