Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/123

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Il était entré dans la remise ; il s’était attaché autour du corps un tablier de coutil qui avait une grande poche sur le devant ; il sort, il va derrière la remise.

Il va là où sont les perches où on pend les filets pour qu’ils sèchent, et celui du matin était là et séchait, parce qu’il faut les faire sécher, sinon ils moisissent. Elle était venue elle aussi ; elle voyait qu’il prenait dans la grande poche de son tablier une navette, puis a été contre ces murs de mailles, se tenant le ventre tourné vers eux, pendant qu’elle regardait faire. Ils commençaient à côté de la remise pour aller jusqu’à une dizaine de mètres plus loin, ces filets, et, parce qu’ils étaient transparents, ils semblaient se lever de terre à la manière d’une légère brume, celle qu’on voit le matin sur les prés quand il y a une forte rosée. Rouge s’est penché sous sa casquette bleu-marine à la visière qui brillait, et, prenant dans sa main une poignée de mailles, il les laissait couler entre ses doigts. C’est à cause des trous qu’il faut boucher tout de suite si on ne veut pas qu’ils s’étendent. Les trous que font dans le filet un poisson trop gros en se débattant ou bien les vagues, ou encore quand on le lève et il se prend aux taquets ; alors, chaque matin, on vient et Rouge venait, et maintenant on le voyait, tenant la navette entre ses gros doigts, la faire aller la pointe vers en haut, la glisser vivement dans l’entrecroisement des fils. Le gros homme baissait la tête sous sa casquette. Il ramenait à lui sa navette, on fait un nœud. Il faisait un nœud. Il prenait son