Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/38

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avait entre le plancher et le plafond, à chacune des tables et à toutes les tables ; — mais peut-être était-ce aussi parce qu’elle ne brillait plus.

C’était pendant que les arbres travaillaient tous ensemble, au-dessus des chemins, à finir de vous cacher le ciel avec leurs feuilles ; on voyait les moineaux se poser sur les contrevents, un long fétu de paille dans le bec.

C’était pendant qu’en quelques jours l’herbe produit, et jusqu’à vos genoux, la totalité de sa taille ; les automobiles recommençaient à passer en grand nombre sur la route, plusieurs venant de l’étranger (d’où elle venait elle-même), avec des plaques de contrôle à majuscules noires sur blanc, A. ou G. B. ou Z. En arrière du village, il y avait cette route internationale qui n’était plus une route blanche comme les braves routes à voitures d’autrefois, mais toute noire de matières grasses sous le sable à petits grains que les pneus font éclater. Là le monde, des morceaux de monde qui venaient à toute vitesse, allant avec leurs feux blancs fouiller par-dessus la haie le dessous des arbres dans les vergers comme quand on veut faire tomber les fruits avec un bâton. Et c’est là que ça brillait maintenant par des reflets sur les capots, sur les brise-bise, sur le nickel, l’acier, le verre ; elle, elle n’avait plus qu’une petite robe noire, avec un mouchoir de dentelle noire autour des cheveux (ce qui doit être la mode dans les pays d’où elle venait, pensait-on).

N’importe, l’effet durait. Les premiers mots qui avaient couru dans l’air l’avaient peinte autrement et avec des belles