Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/57

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remise, puis le bruit que fait la roue de la brouette de Décosterd ; elle sautait d’un galet à l’autre avec un bruit de petit tambour. Lui, il était plein de contentement ; c’est pourquoi, ayant plié le papier où était le plan et l’ayant glissé dans sa poche, il ne va pas vite. Il est entré dans les roseaux. On avait vu d’abord ses épaules et sa tête, puis on n’a plus vu que sa tête. La casquette, pour finir, disparaît aussi derrière les hauts panaches argentés, pendant que Rouge arrivait près des bateaux. Sur sa droite, l’autre rive élevait son escarpement, tandis que celle qu’il longeait n’avait d’abord qu’une faible hauteur et n’était guère qu’un talus couvert de vernes où il y avait un sentier qui servait au garde-pêche (et dont les pêcheurs de truite, avec ou sans permis, se servent également). Rouge ne s’est pas pressé, est-ce parce qu’il faisait beau ? ni n’a pris le plus court chemin (ni n’avait tellement besoin peut-être d’aller lui-même ce matin-là à la gravière) ; mais sans doute que c’est le beau temps, parce qu’il a semblé tout content, en effet ; il continuait à sembler tout content parmi les abeilles, les papillons blancs ou jaunes, les hautes tiges des angéliques, sous les vernes aux feuilles noires et recouvertes d’une espèce de glû, qui faisaient au-dessus de lui un toit avec des lucarnes en verre bleu. Le sentier se perdait par moment dans les fourrés, tout en commençant à monter, tandis qu’on entendait maintenant la Bourdonnette faire un bruit comme celui d’un train qui passe sur un pont. Et la rive où était Rouge commençait, elle aussi, à s’élever ; puis il y