Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ou trois hommes maniaient la pelle derrière des cribles, puis ils ont levé leurs pics dont le fer brillait dans le soleil au-dessus de leurs têtes.

Plus en arrière, on voyait une construction à toit rouge qui était une fabrique de briques et de tuyaux en béton.

Des wagonnets roulant sur une voie Decauville allaient de la gravière à la fabrique, mais d’abord on avait devant soi la gravière avec ses étages taillés carrément, comme quand on met des plots d’enfants les uns sur les autres, et ayant des plans éclairés, d’autres pas, de sorte que c’était aussi comme un carrelage ; un carrelage à carreaux bleus et carreaux jaunes dans le soleil pas encore très haut à l’horizon, où on voyait briller les pics et les chemises avec des ceintures rouges placées l’une au-dessus de l’autre, et c’est beau.

On fait tomber le gravier à la pelle d’un étage à l’étage plus bas. On le crible pour l’avoir dans ses différentes grosseurs, c’est-à-dire du sable le plus fin aux cailloux proprement dits ; Rouge a jugé que c’était bien trouvé, c’est beau ici, c’est bien organisé et ils ont l’air d’avoir de l’ouvrage ; pendant qu’il aperçoit, poussant un wagonnet sur le bord du chemin, le nommé Ravinet, un Savoyard qu’on voyait assez souvent chez Milliquet où il venait boire ; ayant une ceinture rouge, ayant un maillot collant de coton noir sans manches.

Rouge :

— Salut ! comment ça va-t-il ? Et, le patron, on peut le voir ?…