Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Tu saurais aller jusque là ?… Un kilog de belles perchettes ; tu te rappelleras le nom ?…

Elle s’était mise en chemin ; elle avait commencé par tordre ses petits pieds. Son ombre était en avant d’elle sur les galets, son ombre était en avant d’elle et plus longue qu’elle. Elle regardait ces pierres rondes et plates à cause de leurs jolies couleurs : des roses, des rouges, des chocolat ; les plus vives couleurs de celles qui sont dans l’eau et celles qui sont hors de l’eau sont plus pâles ; des bleues, des toutes blanches et brillantes et des transparentes : morceaux de verre, tessons d’assiettes, que le mouvement de l’eau a fini par user sur les bords. On continue l’histoire de telle sorte qu’ici déjà brillaient à ses yeux pour lui plaire toutes sortes de belles pierres peintes, puis il n’y avait plus entre le talus et l’eau que la place pour le sentier, défendu en contre-bas par un empierrement ; ensuite venait le bois de pins. Deux ou trois enfants de moins de sept ans (les autres étant à l’école) couraient là sur le sable, ayant troussé leur pantalon jusqu’à mi-cuisses, puis ils entraient dans l’eau, mais elle était froide encore et le froid de l’eau les faisait crier. Elle regardait, elle levait la tête sous ses beaux cheveux. Elle allait maintenant au doux et il faisait doux sous ses pieds. Son ombre était toute bleue ; rien ne venait plus l’abîmer sur ce sable, au lieu que le terrain ailleurs présente des inégalités où elle se blesse et se casse. Les troncs des pins étaient d’un beau rouge, parce que le soleil les frappait de côté. Elle, elle avait un côté du corps éclairé. Elle était