Page:Ramuz - La beauté sur la terre, 1927.djvu/77

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Il buvait verre sur verre :

— Vous ne trinquez pas avec nous, Mademoiselle… Non ?…

Mais alors il a commencé à ne plus bien trouver ses mots, comme quand on est gêné ; les autres ne disaient plus rien ; on les entend qui se lèvent.

Le grand suit, on entend encore :

— Tant pis, ce sera pour une autre fois.

Et, pendant que les petits sabots du cheval pressé de partir grinçaient sur le pavé, elle, elle court à Milliquet, elle lui a tendu les pièces et une coupure :

— À présent, êtes-vous content ?

Elle a dit encore :

— C’est bien le compte ?

Puis, courant toujours, elle est montée dans sa chambre ; — et c’est un moment après que le Savoyard était arrivé.

Les choses ont été ainsi qu’à peine les marchands de bétail avaient-ils disparu au tournant de la rue, le Savoyard, lui, est paru ou reparu ; et c’est qu’on tourne autour de la beauté. C’est sur la terre, et on n’a pas assez de voir sur la terre. On y est gourmand, on y a faim. Le Savoyard est reparu ; il avait été s’installer sur la terrasse, il avait commandé un demi-litre. Il but son demi-litre ; ensuite il avait été acheter des cigarettes à la boutique, il revint avec le paquet qu’il pose devant lui sur la table, et n’avait ainsi qu’à puiser dedans, allumant sa nouvelle cigarette à celle qu’il avait à la bouche.

Cette fois-ci, il ne buvait pas, et Milliquet soucieux de ses