Il a continué de lire à haute voix : Pour obéir à ses dernières volontés… Une somme de 363 dollars sur laquelle seront prélevés les frais de voyage, sauf avis contraire de votre part… Ah ! mon pauvre Rouge, qu’est-ce qu’il faut faire ?
— Quel âge a-t-elle ?
— Dix-neuf ans.
— C’est un bel âge.
— Oui, a dit Milliquet, mais Dieu sait comment elle aura été élevée et quelles habitudes elle aura prises dans ces pays chauds, ces pays de nègres… Il y a aussi la question du climat.
— Oh ! elle arrivera pour la belle saison.
— Oui, mais…
Il bégayait, tout en hochant sa grosse figure molle ; une figure pleine de plis, qui, partant du menton, montaient en travers de ses joues comme des lignes sur un cahier :
— C’est qu’il y a au moins trente-cinq ans qu’on n’avait plus eu de ses nouvelles (parlant de son frère) ; je le croyais mort depuis longtemps…
— Eh bien, tu vois bien que non et que tu te trompais, dit Rouge, ça arrive. Et il faut croire qu’il n’avait pas la même opinion à ton sujet, puisque c’est lui qui a donné ton adresse au consulat… Et ma foi, tu sais, un frère, c’est un frère… Tu ne peux pourtant pas laisser ta nièce à ces Américains.
Milliquet haussa les épaules sous son gilet de chasse en grosse laine rousse, boutonné de travers sur une chemise sans col. Il soupira.